Au sortir de la gare, l’Excelsior est une vitrine de l’Ecole de Nancy en même temps qu’une table très recommandable. Véritable institution nancéienne, elle ouvre en 1911. Louis Moreau, à la tête des brasseurs de Vézelise, décide de construire un établissement pour distribuer exclusivement ses produits dans l’esprit des grandes brasseries art nouveau de l’époque.
Grüber, Majorelle, Prouvé et Daum
La société Moreau consacre 184 000 francs or – entre 736 000 € et 920 000 € – pour mener à bien le projet. On ne lésine sur rien. Alexandre Mienville et Lucien Weisseberger, architecte des Magasins Réunis aujourd’hui Printemps et de la villa Majorelle, sont en charge du projet. Ils s’entourent des plus grands artistes de l’Ecole de Nancy.
Jacques Grüber réalise les verrières de la grande salle de 400 couverts. Louis Majorelle dessine et signe le mobilier en acajou de Cuba, les lambris en tamarinier et les lustres. La cristallerie Daum crée les 300 lampes en pâte de verre et Jacques Prouvé se charge de l’escalier qui descend aux salons privatifs, aux anciennes cabines téléphoniques et aux toilettes. Un véritable musée « l’Excel » aujourd’hui classé intégralement monument historique.
Ceci explique pourquoi il faut prendre des pincettes dès que l’on veut nettoyer ou restaurer un détail du bâtiment. Les chambres de l’hôtel ainsi que celles de l’hôtel d’Angleterre qui jouxtaient sont devenues des appartements. La pergola qui accueillait les voyageurs sur le toit, offrant une vue imprenanble sur Nancy ne sert plus.
La fresque murale retrouvée
Il se dit que l’immense tableau de 3 m x 3, 94 m, réalisé à même le mur, a provoqué l’émoi parmi les religieuses de Saint-Léon. Elles se sont offusquées de la serveuse, des angelots et de la jeune femme nus buvant de la bière sur un arrière-plan représentant Vézelise. Cette représentation édénique leur donnait des vapeurs. Pour apaiser les esprits, la fresque fut masquée. Seul, le petit-fils du peintre s’en souvenait ayant aidé son grand-père à faire des retouches après la Libération.
C’est ainsi que l’on a retrouvé une fresque cachée à l’occasion du nettoyage d’un grand miroir en 2023. Deux des quatorze plaques le composant bougeaient. L’entreprise en charge de les refixer s’est aperçue qu’elles cachaient une peinture signée Emile Friant. Lui aussi appartient au club des grands artistes de l’époque. Il est normal qu’on l’ait appelé pour habiller les murs.
L'Excelsior a échappé à la démolition
Il n’y a pas que la fresque qui a failli disparaître. En 1970, les propriétaires de l’Excel avaient donné leur accord pour la détruire en échange de l’édification d’une guinguette sur la place Simone-Veil. Heureusement, comme la villa Damoiselle à Reims, elle a survécu aux appétits des promoteurs grâce à l’intervention de passionnés. Elle doit son salut à Maurice Rheims. Grand spécialiste de l’Art Nouveau, il donne une conférence à Nancy qui renonce à sa démolition.
Le groupe Flo qui a racheté l’Exelsior a pris en charge sa rénovation pour le bonheur de tous ceux qui aiment cette période de l’histoire de Nancy et de l’Art. Jean-Paul Bucher, président du groupe, et son épouse se trouvent dans un train Paris-Strasbourg quand la rame s’arrête à Nancy suite à un problème. Pour tromper le temps, ils vont s’attabler à l’Excelsior. La nicotine a jauni le plafond, la mosaïque du sol est abîmée, les banquettes endommagées. Pourtant, Jean-Paul Bucher a le coup de foudre et se porte acquéreur sans plus d’études de marché. Depuis, la brasserie rénovée ne désemplit pas.
Une brasserie dans la grande tradition
Une fois poussée la porte à tambour, on se retrouve dans une vraie brasserie même si le côté populaire est atténué. Aujourd’hui, on voit moins les élèves de Poincaré venir apèrs les cours et le soir, ce n’est plus le point de passage obligé des fétards. Cependant, l’Exelsior conserve tous les codes de la brasserie belle époque : l’ambiance de ruche vibrionnante, les serveurs et maîtres d’hôtel en grand tablier, les plats amenés sous cloche d’argent à table, et la carte. Bien entendu, on peut venir s’attabler à l’Excel pour prendre vite fait un café ou un thé avant de monter dans son train ou profiter tranquillement du décor avant le coup de feu des services.
On y vient aussi pour manger une choucroute, des fruits de mer, des saint-jacques au champagne, un plateau de fruits de mer. On peut y déguster un chutney aux mirabelles, le fameux baba au rhum de Stanislas et le Tout Nancy, spécialité de la maison. À l’occasion de retrouvailles, d’un anniversaire, pour un repas de famille ou un dîner sur le pouce avant un spectacle à Poirel, l’adresse incarne toujours l’esprit de la belle époque avec panache, efficacité et gentillesse.
L’Excelsior en chiffres
- 12000 repas par mois
- 2 cartes par an
- Ouvert 7/7 jours
- Pavés de saumon : 2 tonnes par an.
- Choucroutes de la mer : 9.700 servies par an.
- Jarrets de porc : 5.600 servis par an.
- Suprême de volaille : 100 kg par semaine
- Filet de bœuf : 150 kg par semaineHuîtres
- Fines de claires N°4 Marennes d’Oléron : 40.000 par an.
- Homard canadien : 1,9 tonne par an.
Et l'assiette ?
Pour fréquenter l’établissement depuis le bac (c’est loin!), l’Excelsior ne m’a jamais déçue. Pour un thé pris sur le pouce ou pour papoter tranquille, pour un déjeuner ou un dîner, le service et les plats sont toujours bien exécutés. Même lorsqu’il faut aller vite, car on veut se restaurer avant un concert. Dans ce cas, le personnel prend en compte l’heure à laquelle vous devez partir et ça roule.
Les autres restaurants Art Nouveau à Nancy
Si l’établissement affiche complet, on peut retrouver cette ambiance et un décor d’époque au restaurant Les Pissenlits dirigé par la famille Mengin. Situé près du marché couvert, cet établissement possède aussi un superbe décor Art Nouveau. Attention, le lieu est pris d’assaut durant le Livre sur la place, tous les écrivains et notabilités s’y pressant comme en témoignent les nombreuses photos dédicacées accrochées aux murs.
L'Excelsior pratique
- Adresse : 50 rue Henri Poincaré
- Tel : 03 83 35 24 57
- Menu : excelsior-nancy.fr
A voir sur l' Ecole de Nancy
- La villa Majorelle
- Le musée de l’école de Nancy
- Nancy thermal
En dehors de Nancy
- La villa de la Garenne à Liverdun
- La villa Damoiselle à Reims
- La mairie d’Euville à Commercy
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