Lorsqu’on évoque Verdun, on pense immédiatement à la première guerre mondiale. Si la bataille de Verdun fut décisive dans l’issue du premier conflit mondial, la ville joua quelques siècles auparavant un rôle encore plus important. C’est aux bords de la Meuse que se noua le destin de l’Europe et que se décida l’histoire des grands conflits du XXe dont on peut voir les stigmates.
En sortant du Centre mondial de la paix et avoir vu l’exposition Trésors de la diplomatie, je me disais que le mot Histoire prend tout son sens à Verdun. Pour cela il faut remonter le temps et revenir au mois de juin 840. Le 29 juin de cette année, Louis le Pieux, roi des Francs et également nommé Louis le Débonnaire, décède. Fils unique de Charlemagne, il avait hérité de l’immense empire de son père. Celui-ci s’étendait de la mer du Nord à Rome et de la Bretagne et aux fins fonds de la Germanie.
Trois fils pour un empire
A sa mort ses trois fils, exit ses filles qui comptent pour tripette, se disputent l’héritage et ils entament une guerre fratricide. Tandis que Lothaire veut s’arroger la partie la plus intéressante du royaume (celle allant d’Aix la Chapelle à Rome), son jumeau Louis et le benjamin Charles s’opposent à son ambition.
Pour contrer Lothaire, les deux frères lèvent une armée pour lui rabattre son caquet à Fontenoy-en-Puisaye. Forts de cette victoire, ils veulent se montrer invincibles et signent un traité d’union sacrée à Strasbourg. En plus de sa valeur diplomatique les serments de Strasbourg passent pour être le premier écrit officiel où on lit du vieux français par opposition à la langue alémanique présente aussi sur le document rédigé dans les deux langues.
Le traité de Verdun
Face à la détermination de ses frères et à l’absence cruciale de soutien, Lothaire se dit qu’un accord vaut mieux qu’un long conflit à l’issue improbable. Les trois frères se retrouvent, non pas à Verdun, mais à Dugny, une petite agglomération éloignée de quelques kilomètres. C’est là qu’ils vont ratifier le traité de Verdun, comme l’atteste l’ ‘évêque de Freysing, présent lors de la signature.
Pour arriver à former trois parts convenant à chacun des fils de Louis le Pieux, il fallut trois à quatre jours selon les écrits relatant les faits. Celui-ci stipule que Charles, dit le Chauve, prend possession de la France occidentale. Cette partie englobe toutes les terres à l’ouest de l’Escaut, de la Meuse, de la Saône et du Rhône. Ainsi naît le royaume de France. Louis, dit le Germanique, hérite de toutes les terres à l’est du Rhin, à savoir, la Saxe, la Thuringe, la Bavière, que l’on nomme aujourd’hui l’Allemagne. Quant à Lothaire, il récupère ce qu’il convoitait tant. Il reçoit une bande de terre qui s’étend de la mer du Nord au centre de l’Italie, comprenant Aix-la-Chapelle et Rome, ainsi que tous les axes stratégiques inhérents à ce découpage. Il reste en position de force, capable de faire la pluie et le beau temps …
Le torchon brûle et la Lorraine voit le jour
Une situation qui n’échappe pas aux descendants de Lothaire, à ses frères et à leurs héritiers. À partir de ce moment-là, les uns et les autres n’auront de cesse de faire pression pour réduire à néant cette partie médiane bien gênante… Il ne faudra que quelques années pour réduire en miettes l’héritage de Lothaire. Finalement, Lothaire II, fils de Lothaire, récupère la partie nord du royaume de son père. Elle porte le nom de Lothari regnum. En vieux français cela donne « Loherrègne ». Ainsi naquit la Lorraine !
La bande de terre réduite rapidement à néant donna naissance à une kyrielle de petits pays : la Belgique, le Luxembourg, la Suisse et la Lorraine. Un partage qui a suscité au fil des siècles toutes les tensions entre le royaume de France et l’empire des Habsbourg, puis entre Napoléon III et Bismarck et entre l’Allemagne et la France. Verdun, sans le savoir, devenait l’épicentre d’une Europe qui mit du temps à se remettre de cet héritage bien encombrant. Alors, vous qui visitez Verdun, dites-vous que vous marchez dans la ville lorraine où se noua le destin de l’Europe. Cela aurait pu être Thionville, Metz…Non ce fut Verdun.
Comme quoi, une succession mal fagotée peut avoir des retombées bien longtemps après. Cela n’est pas sans rappeler un autre partage qui alimente les conflits du Moyen-Orient. Ainsi va l’Histoire.
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