Parmi les lieux les plus bucoliques de Lorraine, l’ermitage de St Rouin à Beaulieu en Argonne est un site d’exception. Situé à quelques kilomètres du village de Beaulieu en Argonne, il apparait au tournant d’un virage, simplement masqué par un petit étang et un parking entourés d’arbres.
Le mieux est d’y laisser son véhicule, puis d’entamer la balade en évoquant la légende de l’ermitage et après avoir enfilé des chaussures de marche pour pouvoir gravir le sentier escarpé.
C’est la volonté de trois prêtres qui est à l’origine de la chapelle actuelle qui se niche dans son écrin de verdure. Le père dominicain Rayssiguier, passionné d’architecture et disciple de Le Corbusier, dessina les plans dans les années 1950. 80 ans plus tard, ce parallélépipède surprend toujours autant le visiteur par sa sobriété et la quiétude qui en émanent. Ce lieu bien préservé du Sud meusien est une pépite de l’art monastique. Fréquenté par les touristes curieux, les motards et les randonneurs, le site de Bonneval accueille un pèlerinage chaque année. Le livre d’or dans la chapelle témoigne de cette fréquentation perpétuelle, émouvante et sincère.
La légende de l’ermitage de saint Rouin
Avant d’entamer le petit sentier qui mène à la chapelle, on passe devant l’ermitage qui reçoit des réunions de famille ou d’amis sur demande. Un moine irlandais serait à l’origine de la fondation de l’ermitage de Saint Rouin dans la Meuse. Il s’installa sur le site au VIIe siècle avec l’intention d’évangéliser les habitants. Il bâtit le premier monastère sur la colline de Beaulieu et se fit ermite dans la vallée.
Malheureusement pour lui, le seigneur d’Autrécourt ne l’entendait pas ainsi. Bien décidé à rester païen, il chassa saint Rouin qui partit en pèlerinage à Rome. Quelque temps plus tard, Austrèse, seigneur d’Autrécourt, et sa famille tombèrent malades. Du loin de son recueillement, Saint Rouin entendit que saint Pierre lui disait « Retourne dans ton désert : tu as été battu de verges ; mais le Christ ne l’a-t-il pas été plus que toi dans sa douloureuse Passion ! ». Saint Rouin comprit qu’il devait regagner son ermitage et convertit Austrèse. Sachant qu’il était malade, il lui demanda de boire l’eau de la fontaine aux nœuds qui coule toujours au bas de l’ermitage. Austrèse et sa famille guérirent. Le miracle ayant eu lieu, il se convertit et accepta que saint-Rouin évangélise l’Argonne.
Une abbaye très active jusqu’au XVIII e
Comme toute légende, une partie est vraie. Ce qui est certain c’est qu’au 13 e siècle « les malades accouraient de toute part, principalement ceux qui souffraient de la fièvre ; ils puisaient à la fontaine voisine une eau miraculeuse qui leur rendait la santé. » En revanche, elle ne sauva pas la communauté monastique et les habitants qui périrent de la peste en 1610.
Dans la vraie vie, le monastère à la fontaine miraculeuse se nomme le monastère de Wasloge. Vers 640 Saint Paul, évêque de Verdun, proposa à son ami, Saint Rouin, de s’installer sur les terres verdunoises pour y fonder un nouveau monastère. Saint Rouin accepta l’invitation et choisit le cœur de la forêt de l’Argonne. Il était bien établi à Beaulieu en Argonne où se trouvait la tombe de Saint Rouin disparu pendant l’incendie de 1297. Il rayonna sur l’Argonne jusqu’au 18e siècle. On se rend compte de son importance et de son étendue en visitant le pressoir de Beaulieu en Argonne où se trouve un plan de celui-ci. Le retable de l’Assomption avec son autel qui se dresse à flanc de colline dans le cercle de verdure constitue l’autre vestige de cette époque.
Un édifice témoin majeur de l’art sacré contemporain
La chapelle de l’ermitage fut détruite plusieurs fois. Jusqu’ en 1946, où on décida de la reconstruire suivant un projet alliant nature et architecture. Le père Rayssiguier (collaborateur de Matisse à la chapelle de Vence) s’empara du projet qui fit grincer des dents tant il était « révolutionnaire » pour l’époque. Sa reconstruction ne se réalise pas près du gîte qui se trouve près du parking. On choisit d »édifier la chapelle éloignée et volontairement difficile d’accès.
L’abbé Hannequin justifiait ainsi sa situation : « L’édifice est difficile d’abord. Dieu l’est davantage. Il ne suffit pas d’entrer dans un lieu saint pour l’y trouver ». L’évêque de Verdun à l’époque prit aussi position en faveur du projet en affirmant : « Le béton est le matériau de notre siècle. Il est tout aussi capable de chanter la gloire de Dieu que les fausses pierres taillées, les bois peints en marbre et tout le “toc” qu’affectionnent nos devanciers. ». En 196, la chapelle pouvait recevoir ses premiers pèlerins.
Une architecture dépouillée et sereine
Béton banché, pilotis et formes simples géométriques se mêlent adoucis par les vitraux imaginés par Kimié Bando. La petite fille d’une amie du père Rayssiguier avait huit ans lorsqu’elle les dessina. Le gratte-pieds, le clocher et les arabesques agrémentent l’aspect « décoffré brut » du béton. Quant à la porte très « design », elle est due à l’artiste Pierre Szekel. L’humidité du site a orienté le choix des matériaux. Les pilotis isolent la chapelle du sol. Tout est pensé pour rendre l’édifice robuste et résistant aux intempéries.
Il n’y a pas d’électricité ni de chauffage et l’imposante porte en bois reste ouverte tout le temps. Elle ne possède pas de serrure selon la volonté du père Rayssiguier. Dépouillée, on n’y trouve aucun siège ni orgue. Seule la cloche rompt le silence des lieux quand on l’actionne. À l’intérieur l’austérité et la majesté de l’autel en grès pesant 12 tonnes surprennent le visiteur. Le sol en comblanchien tranche avec la rugosité du béton brut.
Un lieu de randonnées
Après avoir visité la chapelle de l’ermitage saint Rouin on gravit le chemin entre mûriers et buissons jusqu’au retable de l’Assomption avant de descendre vers le parking. Les randonneurs peuvent regagner Beaulieu en Argonne par les chemins de randonnée bien balisés. Il faut compter une heure et demie minimum pour gagner le village. Quelle que soit la saison, l’ermitage de Saint Rouin dégage une impression de sérénité et de tranquillité apaisante et réconfortante. C’est incontestablement un des sites remarquables de la Lorraine. Il faut l’inscrire dans un circuit sur l’Argonne ou l’intégrer à un itinéraire sur les sites mémoriels.
A voir près de l’Ermitage de Saint Rouin
- Beaulieu en Argonne
- Varennes en Argonne
- L’abri de Courson près de Lachalade
- Le ravin du Génie
- La butte du Vauquois
- La faïencerie des Islettes
- Les étangs de Châtrice
- L’Austrasius incontournable pour se restaurer et boire quelque chose
Si vous trouvez que ces articles vous plaisent ou vous rendent service, n’hésitez pas à les partager sur Instagram ou Facebook. Cela fait très plaisir, et donne envie d’en écrire de nouveaux